Plusieurs congolais de la Diaspora pensent qu’il est temps de mettre la main à la pâte afin de contribuer tant soit peu au développement de la RDCongo. Madame Laëtitia Bibinyanga est l’une d’entre elles, celles qui croient en ce vent rénovateur… AcofepeNews a rencontré pour vous cette dame bien déterminée à se créer son chemin dans le domaine de l’éducation en RDC.
AcofepeNews : Identifiez-vous?
Laëtitia Bibinyanga : Je suis Laëtitia Bibinyanga. Je suis congolaise et mère de quatre enfants et deux petits enfants. Parler de soi-même, c’est vraiment difficile pour moi. Mais une chose est certaine c’est que je suis éducatrice à l’enfance de 0 à ans. C’est cela même ma première formation. Et je suis venue aujourd’hui en RDCongo pour promouvoir le secteur de l’éducation nationale.
A. Comment s’appelle votre association ? Où se trouve son siège ? Depuis combien existe-t-elle?
L. B. Notre association s’appelle » Africa Hope » qui signifie « Afrique Espoir » en français. Son siège se trouve en Belgique, précisément dans la ville de Liège. Elle existe depuis juin 2017, donc elle a cinq d’existence. Et je suis la présidente.
A. Quel est le but de cette association et sa mission exacte en République démocratique du Congo ?
L. B. Le but de » Hope Africa » est de promouvoir l’éducation sous toutes ses formes. Et parmi nos objectifs, nous voulons ainsi rapatrier la culture Kongo qui a été enfermée dans des musées durant des siècles. Personnellement, j’ai toujours porté un intérêt particulier à l’émergence de la RDCongo en regardant la manière dont les autres pays évoluent alors que chez nous, il n’en est pas question. Bien que n’ayant pas grandi ici au Congo, mon cœur a toujours été parmi ce peuple. Voilà pourquoi, moi et « Africa Hope » avons décidé de nous installer en terre congolaise.
A. Quel rapport existe-t-il entre la culture et l’éducation ?
L. B. Nous parlons du rapatriement du patrimoine culturel africain. La culture émane du peuple et elle est l’âme du peuple. Voilà pourquoi la culture doit se retrouver au sein du peuple et non à l’extérieur du peuple pour une meilleure intégration.
A. Comment comptez-vous vous y prendre ?
L. B. Nous sommes sur la thématique de la restitution du patrimoine. Nous comptons d’ailleurs en parler le 30 juin prochain – attendons la confirmation des autorités.
A. Quelles sont vos réalisations au regard de cette thématique sur le terrain ?
L. B. « Africa Hope » est sur terrain depuis peu de temps. Nous travaillons avec des musiciens, des peintres, des sculpteurs, des écoles de théâtre, et même avec des écrivains pour réécrire l’histoire du peuple africain en général et congolais en particulier. Nous faisons également des actions telle que la distribution des cartables aux démunis. Nous sommes partenaires d’une grande chaîne de supermarchés « Kora » qui vend des cartables. Les parents viennent acheter les nouveaux et déposent les anciens dans le magasin. « Africa Hope » les récupère en faisant un tri et distribue ceux qui sont en bon état aux enfants dont les parents ne peuvent pas les leur procurer dans la capitale et dans certaines provinces où nous sommes déjà établis.
A. Dans cette association, trouve-t-on d’autres femmes qui ont adhéré à votre idéal ?
L. B. Oui. Actuellement en RDCongo, cinq femmes sur sept siègent au conseil d’administration.
A. Nous pouvons dire que » Africa Hope » tient au leadership féminin ?
L. B. Le leadership féminin fait partie intégrante de la culture africaine. Et la femme a toujours occupé une place prépondérante dans l’organisation de la société, chose la plus difficile à faire. Kimpa Vita était non seulement une femme mais aussi une cheffe de guerre redoutable. Elle est restée dans l’histoire à cause de sa bravoure et de son organisation dans le combat qui a mis en déroute plusieurs armées étrangères. Comme le dit un ami: « L’art le plus difficile est celui de l’organisation ! »
A. Qu’est-ce qui a failli pour que les choses soient ce qu’elles sont aujourd’hui ?
L. B. Avec la religion, ce rôle a été effacé, relayé au niveau du ménage, de la cuisine, de la maternité et de l’éducation simple des enfants…
A. Et actuellement en venant au Congo, quelle perception avez-vous de la femme de manière globale ?
L. B. Là, je parle avec mon cœur. La femme congolaise est exceptionnelle, formidable et courageuse. L’image que je perçois d’elle me bouleverse profondément. Toutes les femmes avec des paniers lourds sur la tête en train de vendre ! Elles se fatiguent et vieillissent vite également, juste pour nourrir leurs enfants. Cette femme mérite d’être célébrée.
A. Être célébrée, certes. Dans ce cas, quel genre de femmes doit-on booster ? Sur bases de quels critères ? La méritocratie ou la complaisance (liens de famille)?
L. B. Je pense que certaines femmes ne connaissent pas ce qu’elles sont réellement. Et de surcroît, elles ignorent ce qu’elles ont dans le fin fond d’elles-mêmes. Donc pour booster, il faut les enseigner, leur montrer comment aller au-delà de leurs propres capacités. Voilà pourquoi je les incite à aller de l’avant, à s’intéresser sur des sujets qu’elles ne maîtrisent pas, à apprendre à lire et à écrire ; surtout à faire de leur mieux pour ne pas tout laisser entre les mains des hommes.
A. Que pensez-vous de la femme de l’Est du Congo face à l’éruption volcanique de Goma ?
L. B. Je m’incline devant cette bravoure et la ténacité de cette femme. J’admire cette force qu’elle dégage pour s’agripper ; sa persévérance à continuer de vivre au-delà des circonstances. Outre la catastrophe naturelle, il y a des massacres et des viols. Quand on ville une femme, on viole l’humanité ! Donc ce qui se passe à l’Est est un crime contre l’humanité parce qu’elle est adressée à la femme. Dommage que les médias ne relayent pas assez ce genre d’information. Il arrivera donc un moment où l’on devra restituer tout ce qui a appartenu à la femme de l’Est, lui redonner la paix et la réconciliation.
A. En termes de perspectives, comment comptez-vous affronter l’avenir ?
L. B. J’affronte l’avenir avec un grand sourire et beaucoup d’optimisme.
Propos recueillis par AcofepeNews Juin 2021